5 questions à Philippe Schlienger

En passant en revue toutes les affiches du festival, on remarque des bestioles qui pullulent, des personnages qui grouillent, des explosions de couleurs… Cette profusion est-elle à l’image de la manifestation ?

Momix, c’est une effervescence de projets1 présentés sur un temps relativement court. L’idée qu’on puisse le signifier à travers notre communication s’est imposée dès la première édition où nous avons travaillé avec Daniel Depoutot. La diversité est importante pour nous. Aujourd’hui, les artistes explorent des champs très divers, arts plastiques ou vidéo, mais il y a une vingtaine d’années, le théâtre était le segment principal – avec la marionnette, à moindre échelle – du spectacle jeune public. En tant que site expérimental pour l’éducation artistique, nous désirions aussi aborder d’autres formes théâtrales, d’ombres ou d’objets, afin d’être témoins de cette richesse.

Le visuel de cette 21e édition met en scène un être hybride, mi-enfant, mi-adulte… comme votre public ?

Nous avons plusieurs approches. D’abord autour de la petite enfance (à partir de 18 mois), en accueillant des créations bâties sur la sensorialité, l’émotion, la couleur ou le geste. Celles-ci font preuve d’une grande créativité et prennent en compte la capacité de concentration des tout-petits. Les parents sont là pour donner une possibilité d’expérience artistique… qu’ils vivent un peu à distance. Nous proposons aussi des spectacles pour les plus grands, voire les ados, qui invitent l’adulte à participer en tant que spectateur. Nous nous intéressons au cirque, à la musique, à la danse contemporaine, à des formes exigeantes qui ne sont pas forcément dans le réseau jeune public.

Comment s’est développé ce type de spectacle en vingt ans ?

Quand j’ai démarré, l’offre française était plus classique, plus conventionnelle. L’innovation venait plutôt de l’étranger, de Belgique, d’Italie ou d’Espagne. Progressivement, le spectacle jeune public pluridisciplinaire, favorisant les croisements, s’est développé en France. Aujourd’hui, il y a un vrai vivier, un véritable réseau, une structuration territoriale forte et des gens de théâtre, comme Joël Pommerat ou Jean Lambert-Wild, qui s’intéressent à ces questions d’“écriture jeune public”. Notre situation n’est pas si confortable : c’est un combat que de proposer un événement tel que Momix alors qu’offrir aux gamins des espaces de rencontres avec le spectacle vivant devrait être une priorité politique.

Un œuf qui aimerait voler (Rawums), un spectacle qui se dévore À belles dents !, un Vaillant soldat de plomb unijambiste ou même l’histoire de l’univers des Ooorigines à nos jours. Est-ce important d’embrasser des thèmes si variés, comme cette année ?

Nous pouvons parler de tout dans un spectacle, mais c’est la manière dont les créateurs s’emparent d’une thématique et la façon dont ils la traduisent scéniquement qui m’intéresse. L’énergie, la qualité de la mise en scène, l’interprétation et le jeu dans toute sa complexité sont plus importants que le sujet. Mais Momix n’est pas un laboratoire expérimental : nous invitons des compagnies comme Hop ! Hop ! Hop !, qui ont une démarche radicale, et des productions nettement plus classiques.

Vous avez pour projet l’édition d’un guide. C’est si compliqué que ça, l’accompagnement du jeune spectateur ?

L’ouvrage, qui rassemblera des témoignages et expertises, sera une aide à la formation, un outil de médiation à destination des enseignants ou des éducateurs. Un gamin d’aujourd’hui n’est pas tout à fait le même que celui d’il y a vingt ans. Les jeunes enfants, dans une effervescence constante, sont bombardés d’informations qui ne construisent pas forcément du sens et de l’intelligence. Ils ne sont plus disposés à rester durant une heure à regarder une pièce. Il faut donc les apostropher avec un propos qui leur est destiné et faire un travail de préparation au spectacle vivant pour le distinguer du divertissement, de ce qui se consomme.

1 Momix propose une trentaine de spectacles, mais aussi des rencontres professionnelles ou des expos comme celle dédiée à Frédérique Bertrand (auteure de New York en Pyjamarama) qui a signé l’affiche de l’édition 2012

Momix, du 26 janvier au 5 février

à Kingersheim (au Créa…), mais aussi à Rixheim (La Passerelle), Mulhouse (La Filature…), Huningue (Le Triangle), Cernay (Espace Grün), Strasbourg (TJP, Taps…), Bischheim (Salle du Cercle), Lingolsheim (La Maison des Arts), Ostwald (Le Point d’Eau)…

03 89 57 30 57 – www.momix.org


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